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Pratiques compétitives : quels risques pour les élèves les plus fragilisés ?

Petit-déjeuner Scientifique du 15 octobre 2021

Intervenante : Céline Darnon


Chaque trimestre, le Lab School Network organise des Petits-déjeuners scientifiques. Il s'agit de rencontres conviviales durant lesquelles un chercheur ou une chercheuse est invité.e pour parler de ses travaux sur différents thèmes touchant à l’éducation. Ces événements permettent de renforcer les liens entre la recherche, les acteurs de l’éducation et tous les citoyens apprenants.


Pour ce premier Petit-déjeuner scientifique de l’année 2021-2022, le Lab School Network a eu le plaisir d'accueillir Céline Darnon, professeure de psychologie sociale à l’Université Clermont Auvergne. Ses recherches examinent comment les pratiques du système éducatif (par exemple, les pratiques évaluatives) mais aussi les valeurs qui y sont prescrites (par exemple, la méritocratie scolaire) peuvent participer à la reproduction des inégalités sociales, notamment, en poussant les individus à intérioriser la position qu’ils occupent dans la hiérarchie.


Les travaux issus de la psychologie sociale montrent que indépendamment des caractéristiques individuelles des apprenants, un élève appartenant à un groupe de « bas statut » a plus de probabilités de développer un faible sentiment d’efficacité personnelle et des formes délétères de motivation qu’un élève appartenant à un groupe de statut « plus élevé ». En outre, les recherches ont montré que certains contextes sont particulièrement susceptibles d’accentuer ces écarts. C’est le cas des contextes rendant saillants la compétition entre élèves ou l’enjeu de sélection. Dans cette présentation, nous verrons pourquoi cet enjeu de sélection représente un frein à la promotion de l’égalité à l’école.


Il existe plusieurs facteurs qui fragilisent un élève pendant sa scolarité. La conférence est centrée sur les raisons liées au groupe d’appartenance.


Comment les appartenances groupales affectent les cognitions ?


Pour répondre à cette question, Céline Darnon aborde trois points : 1) se sentir capable et avoir envie d’apprendre, 2) se sentir capable et motivé et 3) les contextes qui accentuent / diminuent les écarts.


En préambule, il faut comprendre ce qu’est le sentiment d’efficacité personnelle (SEP) : c'est la croyance de l’individu en sa capacité d’organiser et d’exécuter la ligne de conduite requise pour produire les résultats souhaités (Bandura 1977, 1997 ; Honicke & Broadbent, 2016). Le SEP a un lien fort avec les performances, les efforts, les capacités d’auto-régulation, et la motivation intrinsèque. Le sentiment d’efficacité personnelle dépend-il du niveau scolaire des élèves ? La réponse est oui, mais relativement peu car si on a plus de chances d’apprendre si l’on s'en sent capable, tout ne s'explique pas par le niveau scolaire de l'enfant.

Mais alors quels sont les autres déterminants ? Les recherches montrent qu'en fonction du statut des groupes, les élèves ne développent pas les mêmes dispositions, le même SEP.



Il y a un lien entre le groupe auquel un individu appartient et les traits individuels de celui-ci. Céline Darnon a relaté l’expérience suivante pour appuyer son propos. L’expérience a été réalisée auprès des enfants de 5/6 ans, âge auquel les enfants commencent à intérioriser des attentes différenciées en fonction de leur origine sociale. Deux images leur sont présentées, la seconde diffère de la première en ce que la petite fille y est d’apparence soignée. Le résultat de cette expérience, c'est que les enfants pensent davantage que la deuxième petite fille a de meilleurs résultats scolaires. Cet effet s'observe indépendamment du statut social économique des enfants testés, ce qui signifie qu'il y a une acceptation de l'infériorité de son propre groupe par les élèves de bas statut.



On peut donc dire que l’origine sociale, le genre et d’autres appartenances catégorielles affectent la perception que les individus ont de leurs aptitudes. Céline Darnon appuie son propos par une autre expérience : celle des poupées dans les années 50, où l'on demande à des enfants blancs et de couleur de choisir entre une poupée blanche et une poupée noire (Clark & Clark 1947 ). Tous les enfants choisissent la poupée blanche.


Autrement dit, à compétences scolaires équivalentes, un élève de statut socialement dévalorisé a plus de probabilités de développer un faible SEP, une faible estime de soi et se sentir moins intelligent qu’un élève de statut socialement valorisé.



Céline Darnon explique ensuite comment cette dévalorisation se combine avec la sélection, la compétition, pour conduire à la reproduction sociale.

En effet, les situations compétitives ou mettant en avant l’enjeu de sélection accentuent les écarts de performance entres les élèves de milieux favorisés / défavorisés, diminuent le sentiment d’appartenance des filles (ou des catégories délégitimées) et leur volonté de poursuivre des études. De plus, elles réduisent les efforts pédagogiques des enseignant.e.s.

Notre conférencière nous a présenté une étude dans laquelle les participants se comparaient à des personnes se trouvant dans une classe sociale opposée à la leur. L’écart de SEP déjà observé précédemment augmente en situation de compétition.






Finalement les inégalités sociales sont renforcées par des attentes différenciées, par d’inégales dispositions pour apprendre / autoperceptions des aptitudes à réussir, mais également par des contextes de sélection qui accentuent ces écarts.


Céline Darnon conclut sa conférence en montrant qu’en tentant de mener un double rôle : former (élever le niveau de connaissance des élèves) et sélectionner (déterminer qui seront les détenteur-trice-s de diplômes, l’école crée une illusion de méritocratie qui est en fait une complète reproduction sociale).




Pour aller plus loin :




Découvrez l'intervention complète en vidéo :





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