Synthèse de l’article : Marino, C., Gini, G., Angelini, F., Vieno., Spada, M. (2020). Social norms and emotions in problematic social media use among adolescents. Addictive Behaviors Reports, 11, Article 100250, https://doi.org/10.1016/j.abrep.2020.100250
Article écrit par Victorine Darnis-Trigla, stagiaire en psychologie à la Lab School Paris.
Être constamment connecté sur Tiktok, publier des selfies sur son compte instagram, ne pas manquer l’information importante du groupe Whatsapp de la classe... voici la “façon d’être” des adolescents de nos jours sur les médias sociaux. Cette utilisation des médias sociaux serait problématique si elle est liée à la fois à des symptômes addictifs (par exemple une fréquence d’utilisation importante) et à des caractéristiques spécifiques à internet (comme la préférence pour les interactions sociales en ligne plutôt qu’en face à face) (Van den Eijnden et al., 2016). Cette pratique n’est pas sans conséquence sur le développement des adolescents puisqu’elle pourrait entraîner une détresse, notamment une altération du fonctionnement social et émotionnel et une baisse du bien-être subjectif (Marino, 2018).
L’adolescent passe beaucoup de temps avec son groupe de pairs, dont l’influence sur le comportement est importante (Prinstein & Dodge, 2008). Et si le groupe d’amis pouvait influencer de manière problématique l’utilisation des médias sociaux chez l’adolescent ? Quant aux difficultés dans la régulation des émotions de l’adolescent, ont-elles des conséquences sur l’utilisation problématique des médias sociaux (UPMS) ?
Pourquoi étudier le groupe d’amis comme une influence dans l’utilisation problématique des médias sociaux ?
Les groupes d’amis, comme d’autres groupes sociaux, sont caractérisés par des normes sociales et des standards de comportements qui peuvent influer sur le comportement de l’individu (Marino et al., 2020). Bien que l’influence des pairs sur le comportement des adolescents ait été confirmé à plusieurs reprises (Prinstein & Dodge, 2008 ; Katsumata et al., 2008 ; Nesi et al., 2018), on constate une absence de recherche sur l’influence de l’utilisation des médias sociaux par les amis et des normes du groupe concernant cette utilisation sur le comportement problématique en ligne des adolescents.
Pourquoi étudier les émotions comme une influence dans l’utilisation problématique des médias sociaux ?
La régulation émotionnelle renvoie à l’évaluation de ses propres émotions (c'est-à-dire la conscience, la compréhension et l’acceptation de ses émotions) et de la capacité à contrôler ses comportements (c’est-à-dire adapter son attitude en fonction de la situation) (Gratz & Roemer, 2004). Les difficultés à réguler ses émotions sont apparues comme un facteur de risque dans l’utilisation problématique de Facebook chez les adolescents (Marino et al., 2016). Cependant, peu d’études dans la littérature scientifique examinent la façon dont les adolescents ayant une difficulté à réguler leurs émotions utilisent les médias sociaux pour gérer leurs émotions.
Comment ont-ils réalisé leur étude ?
761 participants âgés d’environ 15 ans ont pris part à l’étude. Les participants sont des adolescents d'écoles secondaires publiques italiennes. Ils ont rempli des questionnaires anonymes d'auto-évaluation visant à mesurer l’utilisation problématique des médias sociaux à travers l’échelle des troubles liés aux médias sociaux (Van den Eijnden et al., 2016), la fréquence d’utilisation des médias sociaux au cours d’une journée (Marino et al., 2016), les normes sociales à l’aide de 4 items (par exemple “mes amis pensent que je devrais passer beaucoup de temps sur les médias sociaux”)(Marino et al., 2016), la fréquence perçue de l'utilisation des médias sociaux par les amis (Marino et al., 2016), la difficulté de régulation des émotions (DERS ; Sighinofi et al., 2010) et les émotions en ligne à travers le questionnaire “E- motions” (Zych et al., 2017).
Quels sont les résultats de l’étude ?
Le contexte social, défini par les pairs, joue un rôle significatif dans l’UPMS des adolescents. En effet, plus ils perçoivent l'utilisation des médias sociaux de leurs amis comme fréquente, plus ils sont susceptibles d'utiliser eux-mêmes les médias sociaux. De plus, les résultats obtenus montrent que la pression exercée par les pairs pour utiliser les médias sociaux de manière très fréquente, et les attentes d’être constamment disponible sur les médiaux sociaux est un facteur de risque d’UPMS.
Par ailleurs, les adolescents ayant une difficulté à réguler leurs émotions sont tentés de gérer leurs émotions négatives en recherchant une distraction via l’utilisation des médias sociaux et en augmentant leur fréquence d’usage. De plus, les difficultés de régulation des émotions contribuent de manière significative à la facilitation de l’utilisation des e-motions. La communication de son état émotionnel sur les médias sociaux est associée à un mode d’utilisation problématique des médias sociaux, puisque cela est considéré comme un outil préférentiel pour surmonter les difficultés ou renforcer ses relations afin d’échapper à l’inconfort des interactions en face à face.
Pas de panique !
L’utilisation des médias sociaux chez les adolescents n’est pas à bannir. Au contraire, les médias sociaux peuvent avoir un impact positif sur la solitude (Yang & Brown, 2013), sur le maintien des relations pendant l'adolescence (Jordán-Conde et al., 2014) et peuvent jouer un rôle dans la formation de l'identité en permettant aux jeunes utilisateurs d'expérimenter différents comportements et styles d'interaction (Valkenburg & Peter, 2011). Par ailleurs, les médias sociaux, en particulier Facebook, peuvent avoir un impact positif sur les symptômes de l'humeur et d'autres troubles mentaux (Shepherd & Edelmann, 2005).
Toutefois, il est important d’inclure des discussions sur les attentes sociales au sein du groupe de pairs et sur les aspects de l’intelligence émotionnelle ainsi que des activités visant à accroître la sensibilisation des jeunes et leur capacité à résister à la pression des pairs. Les approches socio-émotionnelles pourraient-être utiles pour lutter contre les PSMU chez les adolescents. Par exemple, il a été démontré que l’apprentissage social et émotionnel (SEL) est efficace pour modifier la dynamique sociale et améliorer les compétences émotionnelles (Durlak et al., 2011).
Bibliographie
Durlak, J., Weissberg, R. P., Dymnicki, A. B., Taylor, R., & Schellinger , K. B. (2011). The impact of enhancing students' social and emotional learning : a meta-analysis of school- based universal interventions. Child Development, 82(1), 405-432.
Gratz, K. L., & Roemer, L. (2004). Multidimensional assesment of emotion regulation and dysregulation : Development, factor sctructure, and initial validation of the difficulties. Journal of Psychopathology and Behavioral Assessment, 26, 41-54.
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Katsumata, Y., Matsumoto, T., Kitani, M., & Takeshima, T. (2008). Electronic media use and suicidal ideation in Japanese adolescents. Pscychiatry and Clinical Neurosciences, 62(6), 744-746.
Marino, C. (2018). Quality of Social Media Use May Matter More than Frequency of Use for Adolescents' Depression. Clinical Psychological Science, 6(4), 455. Marino, C., Gini, G., Angelini, F., Vieno, A., & Spada, M. (2020). Social norms and emotions in problematic social media use among adolescents. Addictive Behaviors Reports, 11, Article 100250.
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Zych, I., Ortega-Ruiz, R., & Marin-Lopez, I. (2017). Emotional content in cyberspace : Development and validation of E-motions Questionnaire in adolescents and young people. Psicothema, 29 (4), 563-569.
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